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À lire en #4 : Théories économiques de l'incertitude.

Dernière mise à jour : 10 janv.


En 1670, soit 60 ans seulement après l'apparition de la toute première entreprise cotée en bourse, Spinoza qui était trader de matières premières (épices) avant d'être un philosophe, expliquait :


"Si les hommes étaient capables de gouverner toute la conduite de leur vie par un dessein réglé, si la fortune leur était toujours favorable, leur âme serait libre de toute superstition. Mais comme ils sont souvent placés dans un si fâcheux état qu'ils ne peuvent prendre aucune résolution raisonnable, comme ils flottent presque toujours misérablement entre l'espérance et la crainte, pour des biens incertains qu'ils ne savent pas désirer avec mesure, leur esprit s'ouvre alors à la plus extrême crédulité; il chancelle dans l'incertitude ; la moindre impulsion le jette en mille sens divers, et les agitations de l'espérance et de la crainte ajoutent encore à son inconstance."

Spinoza, exposé au trading à Amsterdam, a réussi à résumer toutes les problématiques liées à la présence d'incertitude sur les marchés.

L'investissement demande une prise de distance émotionnelle lors des prises de décisions.


Le cerveau accède facilement à la logique pour régler un problème d'ingénierie classique. Lorsque l'environnement de travail est incertain, l'accès à la rationalité connait des obstacles.


L'un des pièges habituels est de laisser notre réflexion s'ankyloser dans des croyances figées, construites sur des biais cognitifs ou des informations erronées.


Si vous ne savez pas pourquoi vous gagnez aujourd'hui, vous ne saurez pas demain quand et comment sécuriser vos gains.

Notre cerveau est capable d'être logique et la démarche scientifique [1] précise comment faire. Nous sommes tous armés contre les intrusions mentales. Nous pouvons nous entrainer pour être rationnel dans nos décisions d'investissement, quelles que soient les circonstances.


Les subtilités de la notion d'incertitude.


Nous utilisons les notions de rationalité, risque, incertitude tous les jours sans y prêter attention. Nous n'avons pas toujours conscience qu'elles impliquent la présence de biais cognitifs et d'illusions.


Certains économistes ont montré la difficulté pour notre cerveau à être rationnel en particulier dans des situations qui paraissent différentes mais qui sont en fait similaires ou dans notre incapacité à réaliser des calculs de probabilité simples.


Notre application est un outil qui vous permet d'éviter ces biais.



Il est parfois possible de lever l’incertitude de certains évènements ambigus par la réflexion ou le calcul.


L'économiste Knight [15] a expliqué la distinction entre les évènements risqués (pour lesquels on connait une loi de probabilité) et les évènements incertains (pour lesquels rien n’est connu).


Lorsque rien n'est connu (univers incertain) mais qu'il est possible de connaître des éléments via de la recherche, des calculs ou par l'approximation née de croyances, nous avons à faire à ce que les économistes appellent l'ambiguïté.


L’ambiguïté couvre à la fois les évènements incertains (ceux pour lesquels il n'existe pas de lois de probabilités) et ceux dont la connaissance des lois de probabilités demandent une réflexion et qui sont, par conséquent, incertains à première vue.


Encore une fois, il est possible de lever l’incertitude de certains évènements ambigus par la réflexion ou le calcul.


Nous nous retrouvons après cela dans un univers risqué au sens de Knight, c'est à dire aléatoire mais en connaissant la loi de probabilité.


Avant même d’aborder l’incertain, en étudiant uniquement le comportement dans un univers "risqué" au sens de Knight, le cerveau humain n'est pas toujours capable d'effectuer correctement les calculs de probabilités de tête.


Cela veut dire qu'il n'est pas toujours possible de prendre des décisions rationnelles sans puissance de calcul, y compris lorsque les distributions de probabilité sont connues.


Le paradoxe de Monty Hall [16] est un exemple souvent évoqué pour démontrer la difficulté à mener correctement des calculs de probabilités de tête, dont le résultat n'est pas intuitif.


Le paradoxe de Monty Hall fait référence à un jeu télévisé américain avec un système de trois portes :

  • une chèvre derrière deux des trois

  • et une voiture derrière la dernière porte.

Le joueur désigne sans l'ouvrir une première porte. L'animateur ouvre une des deux portes non désignées, une derrière laquelle se cache une chèvre. C'est alors que le présentateur vous demande si vous maintenez votre choix de porte désignée ou si vous désirez la changer ... ?


De plus, il n'est pas toujours possible de mettre une probabilité sur chaque évènement pour définir une distribution de probabilité.


Voire, il n'est pas possible de lister, ou même d'imaginer, l'ensemble des évènements possibles.


Enfin, il est à noter que l'incertitude exacerbe les émotions et les émotions influent sur les croyances qui influent à la fois sur les probabilités subjectives mais aussi sur la tolérance à la baisse ou sur l'appréciation des gains.


Notre application permet de faire des comparaisons historiques que notre cerveau ne pourrait pas faire seul. Cela permet de prendre une distance émotionnelle avec les évènements.


La nature sociale des marchés financiers rajoute un degré de complexité en plus de l'incertitude.


Sur les marchés financiers, les croyances et les anticipations des acteurs ont un impact sur le prix des actifs financiers. On parle parfois de système chaotique de second ordre.


Il y a deux classifications du chaos :

  1. Chaos du premier ordre : qui ne dépend pas des anticipations. L'exemple donné par Harari dans Sapiens est la météo. Si on ajoute de plus en plus d'éléments, nous améliorons la prédiction, sans que la météo s'ajuste à la prédiction.

  2. Chaos du second ordre : est infiniment moins prévisible car y compris lorsque l'on suppose que la prévision est parfaite, l'objet étudié se modifie du fait de cette prévision, ce qui rend finalement la prévision erronée. Dans le cas de la science politique, Harari prend le cas de l'Egypte pendant la révolte du printemps arabe. Si Moubarak avait possédé une boule de cristal, il aurait distribué des richesses à la partie de la population qui s'apprêtait à se révolter et aurait renforcé sa police de manière à apaiser les tensions. Cela aurait probablement permis d'éviter la révolte, rendant la prédiction (pourtant exacte) fausse. Sur les marchés financiers, une prévision parfaite du cours du baril de pétrole entraine la modification immédiate du prix du baril. En conséquence, le prix redevient totalement incertain.

  3. Prophéties auto-réalisatrices : en économie, on parle aussi de prophéties auto-réalisatrices, une forme de chaos de second ordre. C'est le cas notamment de l'inflation. Supposons que le niveau général des prix est stable. Imaginons maintenant qu'un leader d'opinion crédible et bénéficiant d'une audience importante mette en garde contre le retour de l'inflation. Cela peut déclencher des renégociations salariales et entrainer l'augmentation des prix en anticipation.

C'est pourquoi, il est possible de réduire la difficulté en cherchant uniquement des probabilités de hausse ou de baisse, et non pas la totalité de la distribution de probabilité.


Cela ne permet pas de déterminer l'espérance de performance d'un titre mais cela permet de décider si l'on souhaite acheter ou vendre un titre : si la probabilité de hausse, quel que soit le niveau de cette hausse, est suffisamment élevée, alors nous pouvons décider d'acheter.


En effet, toute l’information disponible peut être prise en compte par le marché sans que le prix soit pour autant égal à l’espérance de la performance en prenant en compte le coût du financement.


Certains acteurs peuvent être rémunérés pour la réduction de l'ambiguïté des marchés.


Par leurs recherches et leurs calculs, certains acteurs de marché peuvent découvrir des distributions de probabilité, et profiter par la même occasion d'opportunités d’arbitrage.


Le paradoxe de la préférence pour la certitude est intensément exploité par l'industrie financière.


Allais [25], prix Nobel d'économie 1988, a présenté un paradoxe (le paradoxe d'Allais) qui montre l'existence d’une aversion aux évènements extrêmes (pertes importantes avec une très faible probabilité) et une préférence pour la sécurité en cas de certitude.


Ce paradoxe est intensément exploité par l'industrie financière.


Par exemple :

  • en parlant de placement ou d'épargne plutôt que d'investissement

  • ou en proposant des produits structurés à capital garanti.

  • La monétisation la plus importante de ce paradoxe est l'existence du fonds euro de l'assurance-vie.


Dans le cas du fonds euro de l'assurance-vie, les assureurs assument la diversification des risques en échange d'une rémunération fixe pour l'épargnant, inférieure aux gains réalisés par l'assureur.


L'existence de la pyramide des priorités du cerveau permet d'expliquer le paradoxe d'Allais.


Les efforts cognitifs nécessaires pour réduire l'ambiguïté ou pour rester rationnel face à l'incertitude expliquent pourquoi les investisseurs préfèrent parfois une rémunération inférieure mais certaine à une espérance de gain supérieure mais avec un aléas.

La paresse cognitive face à l'incertitude détruit la performance

Les probabilités personnelles (subjectives) sont souvent incohérentes dans le temps.


En introduisant la notion d’ambiguïté (incertitude qu'il est possible de réduire), l'économiste Ellsberg a fait entrer les sciences cognitives dans le champ de la théorie économique.


Selon le "paradoxe d’Ellsberg" [27], les décisions prises à partir de probabilités subjectives ne sont pas cohérentes entre elles.


Ellsberg montre donc qu’il est difficile d’utiliser les probabilités subjectives pour décider avec rationalité dans le temps.


S'il est impossible de définir les scénarios qui vont se réaliser, il est en revanche possible d'éliminer un certain nombre de croyances, qui, comme l'a identifié Ellsberg, ne sont pas cohérentes dans la durée.


Il est possible de vérifier la logique des systèmes de croyances que nous élaborons dans le temps face à l'incertitude et l'ambiguïté, de manière à éliminer ceux qui ne sont pas cohérents entre eux.


Pour le dire autrement, s'il est difficile d'éliminer une croyance fausse mais crédible, il est en revanche possible d'éliminer un ensemble de croyances, dont les croyances entre elles se contredisent.


Sur les marchés financiers, cette discipline est très efficace pour générer de la performance. Il est possible d'éliminer de nos raisonnements ce qui n'est pas possible (cohérent) en tant que système de croyances mais crédible au niveau de chaque croyance.


En gardant en mémoire vos croyances, vous pouvez aussi faire ce travail de validation de la cohérence. Vos croyances deviennent ainsi de plus en plus justes.

Les croyances doivent être domestiquées pour générer de la performance dans la durée

Notre app vous permet de garder en mémoire vos anciennes croyances et vous aide à les confronter à la réalité. Vos croyances deviennent ainsi de plus en plus justes.


Se comparer simplement aux autres influence notre propre performance.


La configuration des résultats influence les regrets possibles. Et cela modifie la prise de décision. C’est le "paradoxe de Machina" [28] et [29].


Ce phénomène explique l'habitude de l'utilisation des "benchmarks" pour évaluer le résultat de différents portefeuilles.


Certains investisseurs privés ne seront à l'aise qu'avec une performance proche de celle du marché qui leur apporte :

  1. la minimisation de leurs regrets futurs

  2. et la ré-assurance que leur prise de risque a été mesurée.


D'autres, vont systématiquement désirer une performance supérieure au "benchmark", et ressentiront une satisfaction pratiquement totale quelqu'en soit le niveau.


En contrepartie, ils percevront comme un manque de témérité dans la prise de risque une performance en dessous du benchmark, ce qui génèrera un sentiment de honte.


Enfin, parmi les investisseurs privés les plus sophistiqués et éduqués à la gestion de leurs émotions, leur performance sera évaluée par rapport à un benchmark indépendant de la performance du marché au sens large.


Cela révèle une connaissance notamment de leur besoin de performance pour satisfaire leur pouvoir d'achat au quotidien, leur tolérance au risque ainsi que les ressources mentales qu'ils souhaitent investir pour gérer leur portefeuille.


Les 10 critères à évaluer pour définir un benchmark personnel et s'immuniser contre l'influence des autres investisseurs et des techniques de vente sont les suivants :

  1. Le besoin de performance exploitable pour financer leur pouvoir d'achat au quotidien et leur niveau de vie

  2. La prise de risque (baisse, perte, volatilité)

  3. Le temps à consacrer (acquisition de savoir, gestion des données au quotidien)

  4. L'intensité mentale à consacrer (gestion des ascenseurs émotionnels, digestion des flux d'information, tolérance à l'incertitude)

  5. L'horizon d'investissement (fiscalité, horizon mental d'une vie excitante car surprenante ou déterminée donc rassurante)

  6. La répartition de la performance entre dividendes et gains en capital

  7. La liquidité des actifs (et des actifs en devises de référence)

  8. La complexité des sous-jacents

  9. La performance après impôt

  10. La distanciation vis à vis de l'observation de la performance (fréquence)

Le simple fait de ne pas savoir ce que l'on attend de nos investissements diminue notre performance

Analyser les opportunités en fonction des classes d'actifs permet de simplifier les problèmes liés à l'incertitude.


Une avancée majeure a été effectuée par Tversky et Kahneman [30], prix Nobel d’économie 2002, en introduisant les "sources" d’incertitude pour intégrer l’ambiguïté dans la prise de décision.


Cela permet de réduire la complexité globale des marchés financiers en divisant en plusieurs compartiments d'incertitude, que l'on appelle des sources.


C'est donc comme si le marché était constitué de plusieurs sources d'incertitude qui dépendraient de facteurs macroéconomiques communs.


Par exemple, la variation des taux d'intérêt créé une source d'incertitude qui impacte en premier lieu les obligations et en second lieu les actions.


Donc en fonction des anticipations sur telle ou telle source, il est possible de cantonner ses prises de décisions à des actifs ayant des caractéristiques communes face aux risques.


Souvent cela revient à appréhender la constitution de son portefeuille en fonction des classes d'actifs.


D'où l'idée d'une allocation stratégique en classe d'actifs, puis d'allocation tactique au sein de la classe d'actifs sur des critères spécifiques et non plus macroéconomiques.


Les "sources" d’incertitude sont des groupes d’évènements qui sont générés par des mécanismes similaires d’incertitude, ce qui implique qu’ils ont des caractéristiques identiques [31].


Les "sources" d’incertitude permettent d’appréhender les déterminants "macro" des distributions de probabilité.


C'est pourquoi les classes d'actifs sont une excellente approximation des sources d'incertitude.


En présence d’ambiguïté, les distributions de probabilité sont inconnues, soit parce qu’elles n’existent pas (incertitude), soit parce qu’elles n’ont pas encore été révélées.


Les calculs permettent de révéler toutes les distributions de probabilité qui peuvent l’être.


C’est pourquoi, en présence d’ambiguïté, l’évolution du prix des titres financiers peut s'appréhender en termes de probabilité de hausse (ou de baisse) à partir des risques présentés par la "classe d’actifs" (secteur d’activité, obligations d’entreprise, etc.)


C'est la logique des régimes de marché comme celui développé par Ray Dalio de Bridgewater et des modèles dit de "risk parity".


[1] Karl R. Popper "The Logic of Scientific Discovery"

[1] Yuval Noah Harari "Sapiens A Brief History of Humankind"

[3] Kristen Hawkes "Hadza Women's Time Allocation, Offspring Provisioning, and the Evolution of Long Postmenopausal Life Spans"

[4] Hublin, J.-J.; Richards, M.P., eds. (2009). "The Evolution of Hominin Diets: Integrating Approaches to the Study of Palaeolithic Subsistence." "The evolution of modern human brain shape" Did the transition to complex societies in the Holocene drive a reduction in brain size? [5] Walter Bradford Cannon "The Wisdom of the Body"

[7] http://www.medecine.unige.ch/enseignement/apprentissage/module3/pec/apprentissage/neuroana/stress/stress2.htm

[6] Peter Lynch "Learn to earn"

[7] Patrick Boucheron "Histoire du monde au XVe siècle"

[8] Sanjay Subrahmayam "L'empire portugais d'Asie" et Olivier Ikor "Caravelles - Le siècle d'or des navigateurs portugais"

[9] Camille Rouxpetel "La figure du Prêtre Jean : les mutations d’une prophétie. Souverain chrétien idéal, figure providentielle ou paradigme de l’orientalisme médiéval ?"

[10] Samuel Morison "Admiral of the Ocean Sea"

[11] Jean Mansel "La Fleur des Hystoires - Le Monde après le déluge et le Tableau de ses peuples de Simon Marnion"

[12] Bernard Grunberg "Histoire de la conquête du Mexique"

[13] http://www.medecine.unige.ch/enseignement/apprentissage/module3/pec/apprentissage/neuroana/stress/stress2.htm

[14] Jean-Michel Sallmann "Indiens et conquistadores en Amérique du Nord"

[15] F. H. Knight, “Traditional economic theory–discussion.,” American Economic Review, 1921.

[16] M. Mitzenmacher, “Traditional economic theory–discussion.,” Study MIT, 1986. [17] F. Black and R. Litterman, “Global portfolio optimization,” Financial Analysts Journal, 1992. [18] Antonio R. Damasio "Looking for Spinoza : Joy, Sorrow, and the Feeling Brain"

[19] E. Fama, “Radom walks in stock market prices,” Financial Analysts Journal, 1965.

[20] J. Jeeman and R. Schiller, “Samuelson’s dictum and the stock market,” Economic Inquiry, 2005.

[21] A. Khan, “Conformity with large speculators: A test of efficiency in the grain futures market,” Atlantic Economic Journal, 1986.

[22] M. Firth, “Synergism in mergers: Some british results,” Journal of Finance, 1978.

[23] D. Dreman,“Over reaction, under reaction,and the low-p/e effect,”FinancialAnalysts Journal, 1995.

[24] J. von Neumann and O. Morgenstern, “Theory of games and economic behavior,” Princeton University Press, 1944.

[25] M. Allais, “Le comportement de l’homme rationnel devant le risque: critique des postulats et axiomes de l’ecole americaine,” Econometrica, 1953.

[26] L. Savage, “The foundations of statistics,” Wiley, 1954.

[27] D. Ellsberg, “Risk, ambiguity and savage axioms,” Quarterly Journal of Economics, 1961.

[28] M. Machina, “Risk, ambiguity, and the rank-dependence axioms,” American Eco- nomic Review, 2009.

[29] A. Baillon, O. l’Haridon, and L. Placido, “Ambiguity models and the machina para- doxes,” American Economic Review, 2011.

[30] D. Kahneman and A. Tversky, “Advances in prospect theory: Cumulative represen- tation of uncertainty,” Journal of Risk and Uncertainty, 1992.

[31] M. Abdellaoui, A. Baillon, L. Placido, and P. Wakker, “The rich domain of uncertainty : Source functions and their experimental implementation,” American Economic Review, 2011.

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