Ce qu'il faut savoir sur l'hippocampe pour investir avec confiance en soi
Dernière mise à jour : 12 mai
La Silicon Valley investit massivement dans la recherche de symbioses entre cerveau et technologies de calcul pour améliorer la prise de décision, au premier rang desquelles l'intelligence artificielle (AI) et le calcul de haute performance (HPC). Mais derrière les avancées immédiates, se cachent de nombreuses espérances qui n'ont que peu de chance de se matérialiser. En apparence irrationnelles lorsque leur rôle biologique est ignoré, les croyances sont essentielles à notre survie et s'imposent d'elles-mêmes. Pourtant sans rationalité, il est impossible de ranger nos expériences et d'apprendre. Et dans ce cas de figure, l'AI n'a aucune chance de décupler nos performances. Il faut donc absolument entrainer notre hippocampe, qui est l'organe du cerveau responsable à la fois de la formulation des croyances et de la vérification de leur rationalité, pour profiter des dernières technologies pour la prise de décision. Sans rationalité, l'acquisition d'expérience est impossible.
Sans rationalité, l'AI n'a aucune chance de décupler nos performances.
Pourquoi est-il impossible d'être toujours rationnel ?
Pour être rationnelle, notre pensée doit être logique et conforme aux observations du réel [1]. La rationalité face à l'incertitude ne trouve sa place qu'entre efforts cognitifs, émotions et croyances. La rationalité n'est pas un réflexe automatique.
Le besoin de recourir à des croyances est viscéralement inscrit dans la nature humaine. Et ce sont les croyances qui ouvrent la brèche aux biais et aux illusions. Y compris chez les scientifiques, les stratèges et les grands investisseurs.
La performance à long terme demande donc un entraînement à la rationalité.
Le cerveau répond des priorités biologiques, à l'origine des décisions irrationnelles.
Il existe une pyramide des priorités du cerveau face à l'incertitude et la rationalité n'est pas une priorité biologique. La rationalité a permis à l'Homme de s'imposer mais elle n'a pas été la seule faculté pour assurer la survie.
Des croyances, même fausses, sont parfois nécessaires pour agir. C'est pourquoi, il n'est pas toujours possible d'accéder à la rationalité, y compris lorsque nous en avons besoin. Les irrationalités ont permis la survie. Elles ont eu et ont toujours un rôle primordial.

Les êtres humains sont des animaux sociaux et hiérarchiques, avant d'être des animaux intelligents et doués de la capacité à raisonner. Cela explique un grand nombre de situations où des décisions irrationnelles ont été prises par des individus pourtant intelligents.
NUMÉRO #1 : Survivre face à un danger immédiat
La première priorité de notre cerveau est d'éviter l'inaction face à un danger, utilisant pour cela ses couches les plus anciennes, reptiliennes. Cette "pulsion d'agir" s'exprime régulièrement sur les marchés et nous pousse à des actions destructrices de richesses.
L'Homme provient du bas de la chaîne alimentaire. Il est l'évolution d'un hominidé principalement charognard [4], qui était chassé par tout ce que la nature produit comme grands prédateurs. C'est pourquoi le risque principal auquel faisait face notre cerveau était l’immobilisme. C'est le réflexe "fight or flight" [5] (attaque ou fuite), réflexe que nous partageons d'ailleurs avec pratiquement tous les animaux.
Notre instinct nous pousse à agir lorsque nous identifions un danger immédiat. Cette action ne sera pas nécessairement utile, réfléchie, ni même bénéfique.
Substituer la réflexion à l'action face à l'incertitude n'est pas naturel. Dans certaines situations, les individus capables de s'extraire de ce réflexe ont été plus efficaces au jeu de la survie. Ils ont été sélectionnés par l'environnement de manière darwinienne mais sans jamais supplanter les réflexes reptiliens. La réflexion est progressivement devenue possible au cours de l'évolution mais elle demande un effort cognitif.
C'est pourquoi, prendre le temps de réfléchir avant d'agir sur les marchés quelles que soient les circonstances demande de l'entraînement
La priorité #1 de notre cerveau est de ne pas laisser notre enveloppe corporelle immobile face à un danger
NUMÉRO #2 : Empêcher l'anéantissement mental
La deuxième priorité du cerveau est d'empêcher l'anéantissement mental qui peut arriver lorsque que plus rien n'est cohérent dans notre esprit ou qu'une analyse rationnelle nous pousserait vers des décisions impossibles à assumer.
Lorsque les perspectives qu’amènent une conclusion logique sont telles que le cerveau anticipe un risque d’anéantissement mental, il peut bloquer le raisonnement logique. Si la forteresse de ce que l'on tient pour vrai s'effondre, alors il devient impossible de décider, y compris dans le cadre d'une tâche simple. Il faut du temps au cerveau pour digérer une information sidérante : le temps de reconstruire des croyances qui ont suffisamment de cohérence pour retrouver un état opérant.
Dans ce cas de figure, nos émotions interviennent pour influencer notre capacité à penser. Les émotions bloquent ainsi l'accès à la rationalité. Les informations peuvent amener à des conclusions rationnelles trop lourdes à porter pour que notre cerveau les accepte immédiatement. Nos émotions prennent alors le relais pour nous empêcher de raisonner.
Certaines prises de conscience, notamment sur les marchés financiers, entrainent chez des personnes mal préparées, un anéantissement mental.
Pour s'en convaincre, il suffit de se souvenir des images terribles des salariés de Wall Street ou de la City en 2008 qui se sont suicidés en prenant conscience de l'absence de valeur résiduelle dans le marché des subprimes.
Dit ainsi, cela parait impensable. Il faut comprendre que si le marché immobilier américain n'avait finalement pas la valeur que ces personnes y accordaient à ce moment là, c'est l'ensemble de ce qu'ils croyaient vrai qui s'effondrait, y compris dans le cadre de leur vie personnelle.
Lorsque nous découvrons des faits majeurs pour notre existence (par exemple que Dieu existe ou au contraire n'existe pas), les conséquences peuvent être telles pour notre construction mentale, que notre cerveau n'autorise pas d'envisager les conséquences logiques de la découverte.
L'anéantissement provient du fait que l'on n'a plus aucune indication de ce que l'on peut croire ou pas. Être opérant même n'est plus possible.
Face à ce risque, le cerveau interdit certains raisonnements qui mèneraient à une totale et complète remise en question de ce en quoi nous pensions pouvoir croire.
Dans le cas de la crise des subprimes, à partir de 2006, il était possible de savoir que le marché était surévalué. C'est l'histoire de "The Big Short". Mais pour certains, accepter cette réalité remettait en question trop de choses essentielles pour eux.
C'est pour cela, qu'en banque d'investissement la première chose que l'on apprend à un trader est de savoir "prendre sa perte". Les traders apprennent dès leurs premiers jours en salle des marchés à dire : "je me suis trompé et cela m'a couté tant".
Il en va de même pour les fraudes. Lorsqu'un responsable s'aperçoit d'une fraude, les bonnes pratiques demandent à ce qu'il rectifie les positions immédiatement quels que soient les coûts pour ne pas risquer l'anéantissement mental et mettre encore plus en danger la banque.
NUMÉRO #3 : Assurer notre protection par le groupe
Ensuite, de manière plus subtile, le cerveau gère le risque de se retrouver séparé du groupe auquel nous appartenons et qui nous apporte protection. Ce sont les liens affectifs.
Penser quelque chose qui s'oppose aux valeurs, aux constats, de notre groupe social de référence, voire penser quelque chose qui s'apparente à un groupe que nous identifions comme étranger à notre appartenance affective est, en termes évolutionnistes, un risque à éviter pour ne pas se retrouver isolé et vulnérable. Cette troisième priorité du cerveau contraint souvent à "penser" de manière conforme, sans considération pour ce qui aurait été rationnel.
On sait maintenant que l’affection entre en jeu lorsque l’on raisonne, en plus des émotions. Ou, pour être plus précis, avant les émotions.
Par exemple, avant même de débuter un raisonnement logique, notre cerveau vérifie si les conclusions que l’on pourrait obtenir ne risquent pas de briser des liens affectifs.
Les croyances se développent face à l'incertitude et sous la contrainte du maintien de notre attachement au groupe.
De plus, si notre cerveau nous permet de maintenir une empathie pour des groupes de 150 personnes, le passage à des sociétés modernes, qui coordonnent jusqu’à des centaines de millions de personnes, demande le partage de croyances communes, religieuses, spirituelles, culturelles, idéologiques. Cela freine l’accès au raisonnement logique pur.
Certains parlent de « cloud cognition ». Le groupe partage des ressources cognitives mais il n’est possible d’y accéder que par l’intégration forte au groupe, par la "culture". Les évolutionnistes expliquent ainsi la baisse de l’intensité cérébrale au cours de l’évolution humaine. Nous sommes devenus moins intelligents individuellement mais plus sociables, et, par conséquent, plus intelligents en tant que groupe. Le cerveau a développé la plasticité nécessaire pour anticiper le risque de rupture des liens affectifs. Nous sommes tous attachés à des chaînes affectives qui peuvent, de temps à autre, nous interdire un raisonnement logique si nous anticipons inconsciemment qu’une prise de décision pourrait détruire un lien affectif.
Parallèlement, l'Homme est une espèce qui vit en groupe hiérarchisé. Le besoin de se positionner hiérarchiquement dans le groupe limite aussi le raisonnement logique, pour défendre l'estime de soi et le prestige social d'avoir eu raison.
Dans le cadre d'investissements sur les marchés, il est important de définir son propre benchmark de référence, pour ne pas se laisser entrainer par simple mimétisme ou conformisme dans des stratégies financières qui ne nous conviennent pas ou en fonction de scenarii de marché dans lesquels nous ne croyons pas.
NUMÉRO #4 : Résoudre les problèmes
Lorsque tous ces risques sont éliminés, il devient enfin possible de penser librement et avec rationalité. Nous pouvons trouver des solutions à des problèmes complexes et prendre des décisions face à l'incertitude.
L'hippocampe est l'organe en charge de la rationalité alors que l'amygdale s'occupe des actions réflexes.
Statistiquement, en tant qu’espèce, mieux vaut commettre une erreur face à un danger que de ne rien faire.
Ne rien faire condamnait à 100% nos ancêtres face à un danger de prédation. Agir et se tromper permettait de réduire ce risque et, statistiquement, de se sortir de situations critiques.
Nous avons la possibilité d'apporter des réponses raisonnées pour tous les aspects de notre existence sauf pour les dangers immédiats qui sont gérés par l’amygdale et qui pilote les réponses instinctives.
L'amygdale propose la réponse reptilienne, réflexe. L'amygdale est responsable de l'envoi du cortisol et de l'adrénaline pour fuir ou combattre.

Le cerveau humain utilise les hormones pour communiquer avec les autres organes du corps mais aussi avec les différents composants du cerveau. Ainsi l'hippocampe utilise les hormones du stress pour faire évoluer nos croyances et améliorer notre capacité à former des